Le Sénégal, longtemps présenté comme un modèle de stabilité en Afrique de l’Ouest, traverse aujourd’hui une période critique. Entre tensions économiques, crises sociales et défis environnementaux, le pays semble littéralement sous perfusion. Derrière l’image d’une nation résiliente, la réalité est bien plus préoccupante et appelle un plan d’urgence immédiat. C'est en somme ce qu'on peut retenir de notre échange avec Abou Ballé Ndiaye.
Dans cet entretien qu'il nous a accordé, le président du Mouvement Bokk Beug Beug (M3B) et par ailleurs président de la Société Internationale d’Approvisionnement et de Transit (SIAT), basée à Bamako, n’a pas mâché ses mots.
«Le Sénégal peine à décoller. Beaucoup de jeunes ont perdu la vie, d’autres leurs biens, des magasins ont été saccagés. Tout cela à cause de la manipulation politique des nouvelles autorités qui, hier dans l’opposition, promettaient monts et merveilles. Aujourd’hui au pouvoir, elles semblent ignorer les responsabilités qui incombent à leur position. Or, l’État est une continuité. », a-t-il déclarée d'amblée.
15 mois après l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye, soutenu par le Premier ministre Ousmane Sonko, Ballé Ndiaye dresse un premier bilan très critique : « Le gouvernement promettait la rupture et la transparence. Ce que nous voyons, c’est plutôt une concentration du pouvoir entre les mains de quelques proches alliés », fustige-t-il.
Avant de poursuivre : «Il faut convoquer toutes les forces vives de la nation afin que des solutions rapides soient trouvées avant que le pays ne s’effondre. Il faut revoir notre politique d’endettement, discuter avec les bailleurs, s’ouvrir davantage à l’extérieur pour rééquilibrer notre économie.» Il affirme que «le pays tourne au ralenti. Les secteurs clés du développement sont à l’arrêt. On dirait que tout le monde a jeté la clé du pays au paillasson ! »
Dans le secteur agricole, souligne Monsieur Ndiaye, les retards dans la distribution de semences de qualité paralysent les campagnes. Les projets d’emploi et de formation pour les jeunes sont suspendus, alimentant un profond désespoir. Le climat des affaires se dégrade, et la confiance s’érode, analyse-t-il.
«Il faut aller vite. Il est temps de revoir la copie économique d’un pays qui était en voie de développement. Ce régime doit tout faire pour que le Sénégal retrouve la place qui était la sienne sur le plan international, que ce soit en matière d’éducation, de diplomatie ou de démocratie.», préconise le président du M3B qui pense que le moment n’est pas à un programme classique, souvent long à mettre en œuvre, mais à un véritable plan d’urgence.
Il reste persuadé qu'«un bon programme peut prendre 5 à 10 ans pour produire des résultats. Et souvent, les gouvernants ne réalisent les projets qu’à la fin de leur mandat. Le Sénégal a besoin d’un plan d’action immédiat. »
Évoquant sa région d’origine, Kaolack, il rappelle son positionnement stratégique comme carrefour économique, logistique et historique. Toutefois, ce potentiel est, selon lui, freiné par l’insalubrité, des infrastructures délabrées, le chômage, l’insécurité, la salinisation et un leadership local fragmenté. «Les initiatives en cours pour moderniser Kaolack sont encourageantes, mais elles nécessitent une gouvernance forte, un pilotage cohérent des projets et surtout des investissements concrets pour transformer la ville en un hub durable.», soutient-il.
Ballé Ndiaye se montre aussi très inquiet sur l’état des institutions fondamentales de la République. «Aucun pays ne peut se développer sans une justice indépendante. Or aujourd’hui, on a l’impression qu’elle est piétinée, marginalisée. C’est regrettable. Pourtant, notre justice a longtemps fait la fierté du Sénégal à l’international.», dit-il. Il salue néanmoins le travail accompli par certains acteurs du système judiciaire, mais appelle à renforcer son indépendance et sa crédibilité.
Pour ce faire le président Balle Ndiaye propose à ce que des réformes profondes soient entamées. La plus souhaitée serait de couper le cordon ombilical entre le ministère de la justice qui représente l'exécutif et la justice en tant que telle. D'où la nécessité de faire quitter le président de la République du Conseil supérieur de la magistrature
S'agissant du Parlement, il rappelle que ce n’est pas la propriété d’un parti politique, encore moins un lieu pour insulter l’opposition. "C’est une institution de contrôle du pouvoir exécutif, et non une caisse de résonance d’un pouvoir partisan."
Pour Ballé Ndiaye, la situation est grave mais pas désespérée. Il appelle les nouvelles autorités à faire preuve de responsabilité, d’ouverture et d’efficacité : «Le temps n’est plus aux discours, mais à l’action. Il faut sauver le Sénégal tant qu’il est encore temps.», a-t-il conclu.